Avec Kirihito, Osamu Tezuka signe une œuvre humaniste et moderne pleine de tolérance. Publié entre 1970 et 1971, il est le premier thriller médical de Tezuka avant Black Jack. Passionnant et plein de rebondissement, j’ai terminé ce pavé de 800 pages quasiment en une traite. L’histoire traite des angoisses et des dilemmes moraux auxquels sont confrontés les médecins et les patients. Ces thématiques sont développées avec beaucoup de justesse par Tezuka, diplômé lui-même en médecine.

Écrit à une époque charnière où on le critiquait d’être ringard et d’écrire des séries trop “positive”, Kirihito est une des premières œuvres plus sombre et un tournant dans les œuvres de Tezuka. À noter que beaucoup de scènes sont toujours traumatisante actuellement : des viols, de l’esclavagisme, des cirques, etc.

Résumé de Kirihito

Kirihito Osanaï, médecin au CHU d’Osaka, enquête sur la mystérieuse maladie du patient de la chambre 66 appelé Monmo. Cette maladie donne un aspect bestial se rapprochant du chien à son porteur. Jeune médecin prometteur, le Dr Osanaï diverge sur la cause de la maladie contre son mentor le Dr Tatsuga’ura. Quand Kirihito est lui-même infecté, il va voyager à travers le monde pour trouver un remède et réfléchir sur sa condition.

Titre : Kirihito

Auteur : Osamu Tezuka
Traducteur : Jacques Lalloz
Edition : Delcourt/Tonkam

Collection : Seinen
Série : 1 tome Prestige / 4 tomes
Année de publication : 1970
Thèmes : Drame, Thriller, Médecine, Société

Titre original : きりひと讃歌 Kirihito Kanka

Mon avis sur Kirihito, Osamu Tezuka

Véritable coup de cœur pour moi, Kirihito devient mon préféré face à Ayako et à l’Histoire des 3 Adolf. La série m’a beaucoup fait réfléchir et est toujours d’actualité quant à la réflexion sur l’acceptation de la différence.

La déontologie médicale

Le thème le plus évident de la série est la recherche médicale et plus particulièrement la déontologie. Trois médecins s’opposent plus ou moins dans la série : le Dr Tatsuga’ura, le Dr Urabe et le Dr Kirihito Osanaï.

Le plus caricatural est le Dr Tatsuga’ura et sa vanité à toutes épreuves. Persuadé que sa théorie est la bonne, il forcera Kirihito en exil et lancera la machination contre Kirihito. Viennent ensuite les deux personnages de Kirihito Osanaï et du Dr Urabe qui forment un curieux duo.

Le Dr Urabe est un personnage fourbe et schizophrène qui violera deux femmes. Il représente une sorte d’alter-ego très sombre de Kirihito dont les choix le pousseront vers une issue forcément fatale. Enfin, Kirihito, atteint de la maladie, va continuer son travail de recherches et sera poussé à l’exil. Sa droiture et sa recherche de la vérité seront le pilier de la série et lui donneront un dénouement plus serein.

L’acceptation de la différence

Comme beaucoup des mangas de Tezuka, Kirihito est un récit humaniste. Tout d’abord l’acceptation de la différence face à la Monmo, maladie qui donne un aspect mi-humain mi-chien à l’Homme. Que cela soit Helen devant l’assemblée des médecins ou Kirihito dans le sordide Taïwan, leur dignité et refus d’être considéré comme autre chose que des êtres humains sont prenants.

Je ne suis pas un chien – Kirihito

Osamu Tezuka, en profite aussi pour évoquer le racisme lors du passage du Dr Urabe en Afrique du Sud. Certaines des théories médicales avancées lors de ces chapitres sont clairement teintées de racisme. Helen, femme blanche d’Afrique du Sud en est le symbole : il est impensable pour certains médecins du pays d’imaginer que des blancs puissent être atteints d’une maladie si régénératrice qui potentiellement font ressortir le côté “bestial” des hommes. À noter aussi l’anodine et hypocrite discussion, à savoir si l’on considère un asiatique de blanc ou non.

Le sexe, le viol et les femmes dans Kirihito

Plus je lis de Tezuka, plus je me questionne sur l’image de la femme dans ses séries, et aussi sur l’image de la femme au Japon dans les années 70. Une fois n’est pas coutume, on retrouve beaucoup de “femme forte”, néanmoins, le sexe est là encore utilisé comme une arme contre les femmes — tous les personnages féminins secondaires vont être ou ont été victime de viol.

Izumi est la fiancée de Kirihito, elle lui sera fidèle et sera certaine de son retour pendant toute la série. Elle sera violée par deux fois, et lors du deuxième viol, son père estimera qu’éviter le scandale et garder l’honneur du Dr Tatsuga’ura est plus important que sa fille. Bien que femme ait l’air décidée et indépendante, Tezuka lui offre une intrigue plutôt naïve.

Le sexe est aussi utilisé pour protéger Kirihito du village par Tazu. Sa relation avec Tazu est, je trouve, plutôt intéressante. Elle le protègera avec son corps, et bien que Kirihito n’aimera qu’Izumi, il considère Tazu comme sa femme tout le long de la série et cherchera à la venger.

Deux représentations opposées de femmes étrangères

Autre personnage féminin : Li-Hua. Celle-ci a une représentation hyper sexualisée de la femme, et aussi une vue exotique et différente de la femme japonaise. Vue comme une déviante sexuelle, elle accompagnera et soutiendra Kirihito dans plusieurs épreuves. Son passé terrible explique sa déviance. Kirihito aura un regard tendre et honnête envers cette femme.

Enfin, dernier personnage féminin important : Helen. Ancienne religieuse sud africaine, elle est atteinte de la Monmo. Elle restera un personnage digne dans l’épreuve tout au long de la série. Bien qu’elle ne soit pas médecin, j’ai trouvé qu’elle aussi apportait un regard humaniste proche de ce qu’apporte Kirihito mais plus doux. Tezuka n’hésite pas à en faire un symbole de la chrétienté avec des planches représentant Jésus portant sa croix.

Les planches extraordinaires de Kirihito

Pour terminer, on ne peut passer à côté de certaines planches à couper le souffle de Kirihito. La représentation des délires schizophrène du Dr Urabe. La douleur de la maladie ainsi que l’abnégation d’Helen sont magnifiées par la construction des planches. J’ai beaucoup aimé certain style naïf de certain dessin.

Source des images : https://tezukaosamu.net/ , Delcourt

Kirihito est la troisième série originale d’Osamu Tezuka que je lis pour le Osamu Tezuka challenge de Majolou le papa lecteur !

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